
En 2025, le monde chrétien commémore le Concile de Nicée, premier Concile Œcuménique, dont un des fruits majeurs est le Symbole qui, complété et confirmé au Concile de Constantinople, est connu aujourd’hui sous le nom de « symbole de Nicée-Constantinople ». Cette profession de foi, établie avant les grandes divisions qui déchirèrent de manière durable la communion ecclésiale, est reconnue par pratiquement toutes les dénominations chrétiennes. Elle est un extraordinaire pôle et fondement d’unité pour laquelle nous pouvons rendre grâce en cette année anniversaire. Il est bon, sur le chemin de l’unité des chrétiens, non seulement de panser les blessures de la division, mais de célébrer ce qui nous unit, notamment lorsque cela touche aux piliers de la foi.
En effet, non seulement le Symbole est un lieu d’accord, mais il l’est pour les éléments fondamentaux de la foi chrétienne. Par le Symbole nous professons le mystère de la Trinité, un seul Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint. Au cœur de ce credo nous professons le Fils unique : « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, consubstantiel au Père ». Par cette formule « consubstantiel » nous signifions qu’il est Dieu à égalité de divinité avec le Père. C’est donc Dieu lui-même qui, en Jésus-Christ, vient nous sauver, qui s’engage jusqu’au bout et sans retour auprès des humains – Dieu au sens le plus haut, et non pas un être intermédiaire, un ange ou un surhomme. La foi en la création du monde, en l’incarnation du Fils et en la résurrection des morts souligne de même la dignité immense et inaliénable de l’être humain et de chaque personne humaine, au sein d’un cosmos voulu par Dieu comme autre que lui, afin que tout être soit reconnu comme étant créé bon, avec sa propre consistance.
Que le Concile de Nicée soit un lieu d’unité des chrétiens ne signifie pas qu’il mène à l’uniformité. L’Orient a pour Nicée une révérence particulière : il est le « grand et saint Concile », mère et modèle de tous les autres. L’Église catholique le considère avec respect comme le premier d’une série et son Symbole est un des deux symboles liturgiques récités tous les dimanches et les jours de fêtes majeurs. Une grande partie de la catéchèse s’appuie sur le credo. Dans le monde protestant les grands catéchismes, celui de Luther ou celui de Heidelberg, commentent ce texte. Lors des cultes, le symbole est confessé ainsi que d’autres expressions ou déclarations de la foi. Ces différences mêmes, qui expriment les rapports variés de nos traditions à la Tradition, sont une richesse. Nous pouvons apprendre les uns des autres pendant cette année 2025, en nous émerveillant de son apport unique comme le fait l’Orient, en l’inscrivant dans la vie de foi quotidienne, en le rapportant à sa source et à l’autorité scripturaires pour en comprendre toujours mieux le sens. Notons également que le symbole de Nicée-Constantinople peut parfois être un lieu d’incompréhension et de conflits entre traditions chrétiennes, notamment en raison de l’addition par l’Occident du Filioque, c’est-à-dire la procession del’Esprit-Saint, non seulement du Père, comme dans la version originale, qui continue à être celle de l’Orient, mais du Père et du Fils. Même si les Églises qui utilisent cette expression la considèrent comme conforme à la foi, elle n’en reste pas moins un nœud œcuménique qu’il nous faut continuer à chercher à défaire[1]. Cela dit, le fait même qu’en 2025, nous nous réjouissons et nous commémorons ensemble le Concile de Nicée est en soi un témoignage du chemin parcouru depuis un siècle : il aurait sans aucun doute été inimaginable de le faire pour le 1600e anniversaire du Concile, en 1925.
Une des visées de Nicée en 325 était l’unité de l’Église. De nombreux synodes et conciles locaux et régionaux avaient eu lieu dans les premiers siècles du christianisme, mais pour la première fois, des représentants de « toute la terre habitée » – tel était le sens du terme « œcuménique » – où se trouvaient des chrétiens se sont retrouvés. En un sens, l’Église, en posant cet acte, se comprend mieux elle-même en sa mission d’unité, qui touche à sa nature même, comme le professe le Symbole lui aussi en caractérisant l’Église de « une, sainte, catholique et apostolique ». De nouveau, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît : la réception de Nicée a été longue et compliquée, et à partir du Concile d’Éphèse (431), le troisième Concile œcuménique, chaque Concile a contribué à l’unité mais a aussi été l’occasion de divisions durables dans le corps de l’Église. Ils sont tout à la fois des témoins de la profonde et ardente recherche d’unité qui anime l’Église et de la grande difficulté à l’atteindre. Cependant, le Concile de Nicée a bien donné une « colonne vertébrale » à la foi chrétienne, qui la soutient depuis 1700 ans, et en ce sens son rôle d’unité a été et reste vital. L’anniversaire de ce premier Concile pourrait être l’occasion de rêver, au XXIe siècle, à un nouveau Concile, un Concile d’unité, qui rassemble toutes les dénominations et fasse un pas décisif en vue de l’unité visible des chrétiens.
Une des visées d’unité du Concile de Nicée avait été de déterminer une date commune pour célébrer Pâques. A cette époque comme aujourd’hui, le fait que les chrétiens ne parviennent pas à célébrer la fête centrale du christianisme à la même date est ressenti comme un scandale. Cette difficulté demeure encore aujourd’hui. Toutefois le rythme des calendriers – ou la providence – font qu’en 2025, précisément en l’année anniversaire d’un Concile qui a voulu donner au monde chrétien la possibilité de fêter la Résurrection du Christ Sauveur le même jour, la date de Pâques est commune pour tous les chrétiens. Il s’agit d’une occasion à saisir pour se retrouver partout où nous pouvons pour des temps de célébrations commune. Nombreux sont ceux qui rêvent aussi de pouvoir continuer à fêter Pâques le même jour par la suite. Que ce rêve se réalise un jour !
En cette année 2025, en ouverture de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, le 18 janvier, aura lieu au Grand Temple de Lyon une célébration de Nicée rassemblant toutes les dénominations chrétiennes présentes en France. En cet anniversaire, de nombreuses autres initiatives locales pourraient également avoir lieu. Imaginons des groupes de travail sur les fondements bibliques du Symbole, des célébrations commémorant le Concile de Nicée partout en France durant cette année anniversaire, une mise en valeur du Symbole lors de cette Pâques commune ou dans d’autres rencontres communes, ou encore des présentations à plusieurs voix du Symbole à différentes occasions (conférences de Carême, journées de formation). Les réflexions dans des groupes ou dans nos communautés pourraient aussi porter sur le lien entre le Symbole et différentes thématiques actuelles : le Dieu créateur et la sauvegarde du créé ; le Fils fait chair et la solidarité avec la souffrance humaine, le salut offert dans un monde qui crie son besoin de justice et de paix ; l’Esprit Saint qui vivifie la lecture des Écritures, la liturgie et l’annonce ; l’affirmation du Dieu Triune et le dialogue théologique avec les autres monothéismes.
La foi chrétienne révélée en Jésus-Christ et professée dans le Symbole est extraordinairement belle. Quel bonheur de pouvoir ensemble la fêter et la célébrer, pour en vivre plus pleinement et en témoigner avec plus de joie.
Le Métropolite Dimitrios | Le Pasteur Christian Krieger | Mgr Éric de Moulins-Beaufort |
Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France | Président de la Fédération protestante de France | Président de la Conférence des évêques de France |