Sécularisation et incroyance,
chances pour les Églises !
Par le Père Emmanuel Gougaud
Ce numéro 202 d’Unité des chrétiens est significatif de la vocation de notre revue et du mouvement œcuménique. Ce dossier sur les Églises devant l’incroyance et la sécularisation ne semble pas, à première vue, enthousiasmant. En effet, l’incroyance est d’abord une réalité concrète et douloureuse. Comment ne pas être touché et attristé devant l’abandon apparent de la foi chrétienne dans nos familles ? Des enfants cessent progressivement la pratique religieuse. Des petits-enfants ne sont pas baptisés ou catéchisés. La culpabilité peut nous étreindre. Qu’avons-nous fait ? Ou plutôt, que n’avons-nous pas bien fait ? Notre foi nous fait vivre. Mais une majorité de nos contemporains semblent vivre comme si Dieu n’existait pas. Il ne s’agit même plus d’hostilité mais d’indifférence. Cela nous atteint de manière intime. Nous nous interrogeons sur la pertinence de nos convictions religieuses. Nous pourrions légitimement les remettre en cause et entrer dans la désillusion. À l’inverse, certains sont tentés par une affirmation identitaire et le repli entre purs, souvent durs. Cette attitude est l’opposé de la fraternité évangélique et de la mission d’évangélisation. Elle ne concerne qu’un nombre restreint de croyants. Nous éprouvons tous cependant notre responsabilité dans l’incroyance contemporaine. Des défaillances de la vie spirituelle, des présentations erronées, de mauvais comportements, sans parler évidemment des divisions entre chrétiens, ont voilé l’authentique visage de Dieu et du christianisme.
Cependant, ce numéro est important pour au moins trois raisons. Tout d’abord, il est le fruit de nos lecteurs. Le groupe interconfessionnel du Val-de-Marne a organisé, le 2 avril 2019, une rencontre œcuménique sur « L’attitude de nos Églises face à l’incroyance contemporaine » donnant la parole à trois théologiens orthodoxe, catholique, protestant. Cette initiative a reçu un chaleureux accueil de l’équipe éditoriale de la revue. La publication dans un numéro a été envisagée. Divers impératifs et les événements sanitaires en ont différé jusqu’à maintenant la réalisation. En cette année du cinquantième anniversaire, la revue rappelle sa vocation d’être pour mais aussi par vous ! Nous serons toujours heureux et honorés de publier, dans la revue ou sur le site internet, vos réflexions, témoignages, interventions.
De plus, la sécularisation et l’incroyance invitent les croyants à la conversion et à la créativité. Paradoxalement, elles invitent les chrétiens à revenir à leur raison d’être. De même que le Fils est sorti du Père, ses disciples sont eux aussi sans cesse en sortie pour tisser des liens de fraternité, évangéliser en actes et en paroles, rayonner de la joie de Dieu.
Enfin, ce phénomène contemporain provoque et stimule les Églises. Elles leur rappellent qu’elles ne sont pas le Royaume de Dieu. Elles reçoivent la mission de hâter sa venue. Elles discernent sa présence dans toutes les réalités humaines. Elles sont donc dans un processus de conversion et de réforme permanente. Nos Églises avaient peut-être un peu oublié cela. Dans la sécularisation et l’incroyance, n’est-ce pas le Seigneur qui frappe à leurs portes ?