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Par-delà les barreaux

Par le Père Miguel Desjardins,
directeur du Service national pour l’unité des chrétiens
à la Conférence des évêques de France

Ce numéro donne la parole aux aumôniers de prison. Chrétiens de différentes confessions, ils témoignent de leurs expériences de porteurs de la parole de Dieu dans un milieu empreint de violences, de peurs et de détresses.

Pour les personnes incarcérées, passer du temps avec un aumônier est d’abord l’oc­casion d’une rencontre, même si les moti­vations sont ambigües. En décembre 2022 les médias annonçaient le chiffre record de 72 836 prisonniers en France et alertaient sur le problème de la surpopulation car­cérale, allant jusqu’à 200 % de la capacité prévue. Le fait d’être en permanence sous le regard des autres aggrave la souffrance des détenus par la promiscuité et l’atteinte à l’intimité.

La Lettre aux Hébreux recommandait : « Souvenez-vous de ceux qui sont en pri­son, comme si vous étiez prisonniers avec eux » (He 13,3). Qu’en est-il aujourd’hui de la présence chrétienne auprès des détenus ?

Le témoignage des aumôniers de prison – qui ne sont ni psychologues, ni assistants sociaux – montre comment ils œuvrent dis­crètement pour qu’advienne le Royaume dans les lieux les plus sombres. Certains doivent traverser jusqu’à quinze portes ver­rouillées avant de pouvoir rencontrer un détenu. Ils sont humblement au service de la dignité de ces détenus hommes (97 %) et femmes (3 %) au passé souvent culpabi­lisant mais qui sont aussi en quête de sens. Or, on ne peut réduire une personne à sa faute. La démarche de la justice restaura­tive, à laquelle collaborent plusieurs aumô­niers, a comme objectif une redécouverte de l’humanité de chacun, victimes ou au­teurs de crimes et délits.

Les détenus sont nos frères et sœurs en humanité ; nous sommes faits de la même substance. Nous avons les mêmes points faibles et en eux comme en nous se côtoient le meilleur et le pire. Ils peuvent nous révé­ler des choses importantes. Ils sont comme les pauvres dans l’œuvre de Dostoïevski, et nous aurions tort de ne pas les écouter.

En rencontrant les exclus de la société, les chrétiens sont au coeur de la mission de l’Église. Si nous sommes tous créés à l’image de Dieu, il s’agit moins d’apporter le Christ derrière les barreaux que de rencontrer en l’autre la présence du Christ bafoué, rejeté. Il est ce « frère pour qui le Christ est mort » (1 Co 8, 11 ; Rm 14, 15). Dans l’Évangile, l’annonce de la bonne nouvelle par Jésus se concentre sur ceux qui sont exclus. Paul exhorte à mettre en œuvre l’exemple et l’enseignement du Christ : « par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres. Car la loi tout entière trouve son accom­plissement en cette unique parole : Tu ai­meras ton prochain comme toi-même » (Ga 5,13b-14).

Or, ces aumôniers qui exercent un mi­nistère auprès des personnes marginales, ne sont-ils pas eux-mêmes parfois traités comme des marginaux dans la pastorale de nos Églises ? Quelle place donnons-nous au témoignage des aumôniers de prison ? Quel soutien leur apportons-nous ? Quelle place ont-ils dans notre prière et dans la liturgie de nos communautés ? Notre solidarité à leur égard manifestera l’Église et la tendresse de Dieu.

Bonne lecture et bon temps de Pâques !