Églises et handicaps

Revue Unité des Chrétiens, n° 197 (janvier 2020)

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Sommaire

ÉDITORIAL : Églises handicapées (Emmanuel GOUGAUD)

ABÉCÉDAIRE ŒCUMÉNIQUE : Anglicanisme (Elaine LABOUREL)

ESSENTIEL : Guide de préparation au mariage

CÉCEF : Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2020

DOSSIER : Églises et handicaps

La force se manifeste dans la faiblesse (Matthias LEIBL)
Matthias Leibl et sa femme Isabelle accueillent des enfants psychotiques. Ils leur ont fait percevoir qu’un cœur du pauvre est décisive pour accueillir le Christ. Les personnes handicapées deviennent ainsi prophètes pour l’unité des chrétiens.

La force de la faiblesse (Christian MAÉHAS)
Le père Christian Mahéas nous raconte la guérison des handicaps. Mais il ne s’agit pas de ceux auxquels on pense spontanément…

«Solidaire des plus fragiles!» (François-Xavier PÉRÈS)
François-Xavier Pérès préside l’association Alliance VITA, fondée fin 1993 au moment des premières lois de bioéthique. Alliance VITA agit selon deux objectifs principaux : l’aide aux personnes confrontées aux épreuves de la vie d’une part, et la sensibilisation du public et des décideurs à la protection de la vie humaine d’autre part.

Une seule famille (Bernard BUCHOUD)
À Foi et Lumière, les Miettes invitent les Colombes à venir les voir et leur disent merci en français ! Frère Bernard nous raconte cette amitié extraordinaire entre deux communautés françaises et russes !

Une commune dignité reçue de Dieu (Isabelle BOUSQUET et Joël DAHAN)
Isabelle Bousquet et Joël Dahan, pasteurs de l’Église protestante Unie de France, nous racontent les intuitions et le fonctionnement de la Fondation John BOST. Les personnes en situation de handicap invitent à créer de nouveaux modes de vie et de nouveaux langages. Cette créativité est une richesse pour la vie des Églises et le dialogue œcuménique.

La puissance de Dieu pourrait-elle se déployer dans notre faiblesse? (Isabelle DE LA TASTE)
Isabelle de La Taste nous offre une nouvelle lecture de la parabole des talents, basée sur l’acceptation de la vulnérabilité. Les personnes en situation de handicap développent une extraordinaire capacité de relations avec les autres et avec le Christ. Apparemment pauvres et fragiles, elles sont en fait plus riches que nous !

La mort : un chemin vers la vie? (Ohannès RASHO-HOHVANNESSIAN)
Médecin psychiatre, Ohannès Rasho-Hohvannessian nous parle de ses patients et de l’investigation policière de son confrère saint Luc, patron des médecins.

RENDEZ-VOUS avec Métropolite Joseph (Pop)

JALONS SUR LA ROUTE DE L’UNITÉ : Septembre-novembre 2019

LECTURES

AGENDA

 


Éditorial

Églises handicapées

Ce numéro d’Unité des chrétiens sur le handicap comporte un risque. Il serait de formuler une parole en surplomb, au mieux informative, au pire apitoyée. On se pencherait avec commisération sur les personnes handicapées, secrètement heureux de ne pas l’être. Injuste et injustifiable, le handicap peut engendrer un malaise. Il nous confronte à notre impuissance, à notre finitude, à notre peur de la souffrance également. La tentation serait de servir un prêche mystico-gélatineux, soi-disant consolateur et toujours un peu distant.

De magnifiques témoignages de solidarité aux personnes handicapées illustrent cette revue. Tous racontent la fraternité d’une communauté. Ils se déploient dans la créativité et l’humilité, la sagesse et l’audace. Ils révèlent une vitalité oecuménique extrêmement florissante. Ils constituent une application concrète du « Principe de Lund », formule oecuménique initiée par la troisième Conférence mondiale de « Foi et Constitution » en 1952 à Lund en Suède. On y interpelle vivement et clairement les Églises. Elles sont invitées à se demander « si elles ne devraient pas agir ensemble en toutes matières sauf là où des différences de conviction profondes subsistent ». Le principe de Lund est donc le choix d’actions le plus possible en collaboration avec les autres Églises. Nous pouvons faire de nombreux progrès dans les domaines de la charité et d’annonce de la foi. À cet effet, les personnes handicapées sont précurseurs. Elles ouvrent une voie inédite dans les coopérations.

Ainsi, le handicap est devenu un lieu théologique à part entière. Déjà les Pères de l’Église commentaient une parole d’Isaïe, citée également par Paul : « Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée » (cf. Is 10,23 ; Rm 9,28). Le « Verbum abbreviatum » est la Parole de Dieu, restreinte à la condition humaine dans la singularité de Jésus de Nazareth. Elle est aussi la Parole torturée dans l’individu souffrant et réduit au silence de la mort. Sur la Croix, la Parole divine se condense dans les ultimes limites de l’existence, au-delà de la conception habituelle de la dignité humaine. Jésus Crucifié se fait étonnamment proche de toutes les personnes handicapées ou dépendantes. Elles se déploient en une même « abréviation » de leur vie. La Résurrection du Christ n’abolit pas la souffrance humaine. Elle l’assume. Christ est vraiment ressuscité dans sa chair crucifiée. Les stigmates de ses plaies resplendissent pour toujours (Jn 20,27). Aussi la récapitulation en Christ, accomplissement de notre humanité, glorifiera toutes chairs, même marquées par le handicap [Nous renvoyons par exemple à : Nancy L. Eiesland, The Disabled God : Toward a Liberatory Theology of Disability,Nashville, Abingdon Press, 1994, p. 20-23]. Les personnes handicapées sont, au contraire, le lieu où le Seigneur continue à se faire serviteur. Parcourant la terre d’Israël, le Fils de Dieu manifeste l’amour infini du Père révélé précisément dans des situations de handicap et de dépendance. Le regard de Jésus n’est donc pas seulement compatissant mais théologal. Ainsi sont liées la « théologie de la gloire » et la « théologie de la Croix ». Cette prise de conscience a renouvelé le regard chrétien sur la personne handicapée. Elle ouvre au moins deux conversions.

La première invite les croyants à se réconcilier avec leur fragilité. La seconde implique les Églises. Le grand obstacle œcuménique n’est-il pas le statu quo ? Chaque communauté fait ses affaires de son côté. La séparation n’apparaît plus comme un handicap majeur. Les Églises doivent prendre conscience que leurs divisions mutilent Jésus. Quand donc reconnaîtrons-nous ce handicap ?

Père Emmanuel Gougaud