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Au nom de nos racines juives
lutter contre l’antisémitisme

Reconnaître et réparer

Par le Père Miguel Desjardins,
directeur du Service national pour l’unité des chrétiens
à la Conférence des évêques de France

Pourquoi avoir retenu deux thématiques pour un même numéro ? Nous aurions pu aborder uniquement l’antisémitisme, ou seulement les racines juives du christianisme… Pourtant, nous avons voulu montrer à quel point ces sujets sont intimement liés. N’est-ce pas en reconnaissant les racines communes au judaïsme et au christianisme que nos Églises surmonteront l’antisémitisme qui peut perdurer dans nos communautés chrétiennes, et plus largement dans la société ?

Mieux connaître les racines juives du christianisme, c’est à la fois revisiter un par­cours historique, relire l’interprétation de la donnée biblique à la lumière de la tradition juive et mieux connaître le judaïsme d’au­jourd’hui. Nos origines communes ne sont pas des racines mortes, mais bien vivantes, qui peuvent contribuer à façonner positive­ment, au présent, les expressions de la foi chrétienne.

Nos Églises se positionnent clairement en faveur de l’approfondissement de la connais­sance de notre héritage commun (pp. 4, 16, 22). Elles ont multiplié les démarches et demandes de pardon pour les silences et les violences du passé, et ont déclaré leur inten­tion de combattre le fléau de l’antisémitisme là où il pourrait apparaître.

Malgré l’évidence du judaïsme de Jésus, de ses proches et de ses premiers disciples, la lutte contre l’antisémitisme reste hélas un défi pour nos Églises (p. 12). La théologie de la « substitution », les controverses sur les Écritures, et une tolérance ambiguë ont pu constituer le socle d’un antijudaïsme qui pèse encore (p. 18).

Pourtant, « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11,29) (p. 14). C’est une nécessité pour les chrétiens de se référer au judaïsme pour comprendre leur propre identité. On ne peut rejeter la racine qui nous porte (cf. Rm 11,18).

Approfondir le dialogue entre juifs et chrétiens, grandir en fraternité, cela n’est pas que l’affaire de spécialistes. Le parcours Emouna en témoigne (p. 20). Une meilleure connaissance de l’autre vient secouer les pré­jugés et ouvrir l’horizon d’un avenir apaisé.

La vie de Michel Remaud (1940-2021) témoigne de la profonde conviction que la connaissance du judaïsme est incontour­nable pour éclairer la foi chrétienne, notam­ment par le biais de l’interprétation juive des Écritures (p. 24). Cette intuition est même devenue une véritable méthode de travail dans la nouvelle traduction en cours de la TOB (p. 25). S’abreuver à la source de la tradition orale juive est porté aussi par Sr Dominique de La Maisonneuve qui, dans le « Rendez-vous » de ce numéro, met en évi­dence ses raisons d’« aimer ce peuple-trésor parmi tous les peuples » (p. 28).

Dans la rubrique « Vu de chez vous », le rabbin Michaël Azoulay nous introduit à la signification profonde du repos hebdo­madaire. Il souligne la dimension active et passive de ce jour de repos qui met entre parenthèses des gestes réflexes de la semaine en particulier ceux liés aux technologies qui occupent une place grandissante dans notre quotidien.

Pour changer durablement les pratiques, il faut d’abord changer les mentalités. Que ce numéro soit l’occasion de mieux connaître et faire connaître le judaïsme, matrice de la compréhension de la foi chré­tienne, son approche biblique et son expres­sion liturgique.