Qu’est-ce qui justifie ma vie ?

Revue Unité des Chrétiens, n° 193 (janvier 2019)

 

Sommaire

ÉDITORIAL : Black Friday, Gilets jaunes et Déclaration sur la justification (Emmanuel GOUGAUD)

ABÉCÉDAIRE ŒCUMÉNIQUE : L’Église protestante unie de France : une Église de témoins (Guillaume de CLERMONT)

ESSENTIEL : Premier Forum chrétien francophone

Le Centre Sèvres inaugure une nouvelle chaire de théologie oecuménique

Les Voix de l’Unité

CÉCEF: Prix 2018 du Conseil d’Églises chrétiennes en France

Communiqué du CÉCEF pour l’ACAT

DOSSIER : Qu’est-ce qui justifie ma vie ?

La Déclaration commune sur la doctrine de la justification : une révolution tranquille (Theodor DIETER et Élisabeth PARMENTIER)
Élisabeth Parmentier est professeur en théologie pratique et vice-doyenne de la Faculté de théologie de Genève, spécialiste internationale du dialogue œcuménique. Theodor Dieter est directeur de l’Institut pour la recherche œcuménique de Strasbourg et co-rédacteur de nombreux textes œcuméniques. Il a reçu le prestigieux prix Ratzinger, « Nobel de la théologie » en 2017. Ils nous présentent la Déclaration commune sur la doctrine de la justification.

La Communion anglicane et la Déclaration commune sur la doctrine de la justification (John St-Helier GIBAUT)
Le chanoine John Gibaut, théologien anglican spécialiste du dialogue œcuménique, raconte comment la Communion anglicane s’est appropriée la Déclaration commune sur la justification. Le dialogue catholique-luthérien enrichit l’anglicanisme.

Regard orthodoxe sur la Déclaration commune luthéro-catholique sur la doctrine de la justification (Nicolas KAZARIAN)
Père Nicolas Kazarian a étudié, entre autres, les rapports entre orthodoxes et luthériens à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Il présente le concept théologique de synergie comme expression orthodoxe à la justification.

Justification et pardon (Ohannes RASHO-HOHVANNESSIAN)
À partir de son expérience de psychiatre, Ohannes Rasho-Hohvannessian explore le lien entre la grâce, le pardon et le refus du péché. À partir du récit de la Genèse, il souligne les dangers de l’autojustification. Paradoxalement, elle a privé Adam et Ève de la joie du repentir.

C’est la « grâce seule » ! (Pierre BLANZAT)
« S’il me fallait n’en garder qu’un, parmi tous les solae, sola gratia, sola scriptura, sola fide c’est à coup sûr la “grâce seule” que je retiendrais ! » Pierre Blanzat pointe la tentation de la rentabilité dans les Églises. Aujourd’hui, la justification doit s’appeler gratuité et recherche de temps perdu.

RENDEZ-VOUS avec Christian BACCUET

JALONS SUR LA ROUTE DE L’UNITÉ : Septembre-novembre 2018

AGENDA

 


Éditorial

Black Friday , Gilets jaunes et Déclaration sur la justification

En octobre 2019, nous fêterons le 20e anniversaire de la Déclaration commune sur la justification entre l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale. Cet accord est une grande joie ! La question de la justification, par la foi ou les œuvres, fut l’une des causes de la division des chrétiens en Occident. Pour Martin Luther, la justification par la foi est le cœur du message biblique. En Christ, par la grâce seule, Dieu accueille l’homme pécheur sans condition préalable. Il fait devenir juste l’être humain, indépendamment de ses mérites. Du point de vue catholique, le renouvellement par la grâce semblait amoindri. Plus encore, il critiquait l’absence de participation de l’humanité au salut. Il y eut condamnations, divisions, violences réciproques. À l’occasion de cet anniversaire, ce numéro d’Unité des Chrétiens se propose de relire la Déclaration commune sur la justification pour revisiter sa compréhension et montrer sa pertinence œcuménique, pastorale et existentielle.

Justification : le mot n’est plus guère usité. Le concept paraît déconnecté de nos réalités. Nous ne l’entendons plus trop dans la prédication chrétienne. Ce numéro d’Unité des Chrétiens a l’ambition de démystifier la justification. Loin d’être un appendice conceptuel ou une spéculation abstraite, la justification répond à la question fondamentale de l’existence humaine. Aux différents âges de sa vie, tout être humain est confronté au sens de son existence. Il se questionne sur son origine et son but. Il réfléchit à ce qui donne sens et saveur. Nous sommes régulièrement invités à rendre compte de nos raisons de vivre devant nos proches. Nous nous réapproprions celles proposées par la société. Nous avons sans cesse besoin de justifier de la beauté et du bien-fondé de notre vie. Au moment où ces lignes sont rédigées, deux événements se télescopent dans l’actualité française. Il y a d’une part le Black Friday, littéralement le « vendredi noir », débarqué en France depuis le Canada et les États-Unis. Ce jour marque le début des achats pour des fêtes de Noël et de fin d’année. Plusieurs commerçants et enseignes proposent des soldes très importants. Nous sommes ainsi poussés aux achats. Ce vendredi 23 novembre 2018, plus de cinquante millions de transactions par carte bancaire ont été réalisées en France seulement. Consommer davantage et dépenser plus : serait-ce la justification de notre existence aujourd’hui ? Justifier notre existence selon ces catégories actuelles peut alors devenir un enfer. Simultanément, notre pays est confronté au mouvement des « Gilets jaunes ». Des millions de nos contemporains sont angoissés pour leur avenir, leurs conditions de vie et celles de leurs enfants. Ils éprouvent une grande difficulté à espérer.

À travers ces deux exemples, nous voyons les ambiguïtés de notre société. Seuls les gens beaux, heureux, riches, en bonne santé et abonnés à Unité des Chrétiens 😊 verraient leurs existences justifiées ? Là résident l’extraordinaire acuité et l’actualité de la théologie de la justification. La vie de chaque être humain est belle et digne d’être vécue parce que le Seigneur a donné sa vie ! La Déclaration sur la justification possède donc un formidable potentiel anthropologique. Dieu vient justifier la raison d’être de mon existence en dépit de ses paradoxales précarités. Nous sommes libérés de cet enfer de réussir par nous-mêmes ! La justification est bien cela : tout est donné et tout reste à faire parce que tout est donné !
Père Emmanuel Gougaud